Malgré une difficulté à pénétrer cet univers dense, il suffit de se cramponner un peu pour découvrir un objet romanesque diablement intéressant et prenant.

Les Chroniques de l'Imaginaire

Erif Erealsson a été assassiné. Lors des rituels mis en place pour son dernier voyage, le drakkar sur lequel il vogue refuse de s'enflammer et ce mauvais présage fait planer un nuage d'angoisse sur l'assemblée. À cet instant, « Celles-qui-choisissent-les-égorgés » se matérialisent au-dessus du vaisseau, glaçant le sang de toute l'assistance. Après leur passage les flammes se propagent à grande vitesse. Il est alors temps de chercher le coupable et de le faire payer pour ce meurtre. Un groupe de poursuiveurs est formé, parmi lesquels les sinistres frères Grimur et Asgrimmur Grimmsson.

Autre région, autre héros. Le capitaine Else Tage, sha-lug de son état, au service de Gordimer le Lion, se voit réveillé en pleine nuit afin de faire face à une attaque magique. Celle-ci est loin d'être anodine car l'être convoqué est puissant. Else, en tant que capitaine de ces guerriers esclaves, est la personne adéquate pour faire face à une situation critique, voire désespérée.

Pénétrer dans ce premier tome des Instrumentalités de la Nuit fait irrémédiablement penser à la série Chuck. Pour ceux qui ignorent de quoi il s'agit disons, pour simplifier, qu'au départ le héros se retrouve bombardé d'images au point de s'évanouir sous le flux d'informations auquel aucun cerveau humain n'est censé survivre. C'est bien de cela dont il est question : on a tendance à ressentir un léger étourdissement devant la masse de données que l'on reçoit en parcourant les premières pages de ce roman. En changeant de chapitre on passe d'un pays à l'autre, d'un personnage à l'autre, d'un contexte politique à l'autre, le tout saupoudré de précisions historiques et géographiques. Un véritable tourbillon !

Évidemment, le contexte n'est pas aussi obscur, étranger que les appellations inconnues le laissent paraître. Ça et là, on parvient à se raccrocher à un mot, comme le terme « parfait » se rattachant à une certaine forme d'hérésie religieuse et suggérant aussitôt l'hérésie cathare, ou la situation historique présentant une double papauté. Le panthéon de la mythologie nordique fait aussi office de référence.

La toile de fond présente un monde sombre, sinistre où règnent les créatures de la Nuit, ces vestiges des anciens cultes balayés par l'avènement de la religion chaldaréenne. Le point de ralliement de toute cette histoire est Else Tage et les nombreuses identités qu'il endossera lors de ses aventures. Il est grand, blond, a l'air séduisant, est marié mais surtout il sait se rendre indispensable au point de se retrouver mêlé à la moindre mission de préférence dangereuse et loin de chez lui. Son talent, son efficacité représentent une menace qui suscite la méfiance de son employeur. C'est un personnage charismatique même s'il n'a pas un tempérament rebelle et correspond au profil du soldat obéissant. Il possède néanmoins l'envergure d'un meneur d'hommes ainsi qu'une intelligence stratégique plus que suffisante pour tenir son rôle de clef de voûte du récit.

Comme tout ce qui caractérise ce livre, il existe une myriade de protagonistes plus ou moins importants dont il serait fastidieux d'établir une liste même si certains se détachent comme Grade Drocker le sorcier ou l'empereur Johannes Bottenoire ou encore Pinkus Ghort, le bras droit ronchon et cynique d'Else. Tous sont des personnages complexes, touffus, avec une épaisseur psychologique. Glen Cook réussit même le tour de force de dépeindre le patriarche Sublime par le biais de ses proches sans qu'il n'apparaisse dans l'histoire autrement que fugacement alors qu'il en est un des principaux acteurs. Malgré une difficulté certaine à pénétrer cet univers dense, il suffit de se cramponner un peu pour découvrir un objet romanesque diablement intéressant et prenant. Aucune raison valable ne vient donc ternir la lecture de roman alors n'hésitez plus et pénétrer dans le monde funeste de Glen Cook.

Sig (01/02/2012)

Publié le 23 janvier 2013