Sa conclusion émue donne sa vraie dimension à la part du privé (l’amour Demy-Varda) et à celle du public : treize films seulement, «une conception du statut de l'artiste qui ignore ... les contraintes de l'intendance » et qui revendique la liberté du poète.

Berthomé - Jacques Demy et les racines du rêve

Cette seconde édition comporte une véritable mise à  jour : deux chapitres supplémentaires concernent « Parking »  ( 1985)  et « Trois places pour le 26 » (1988)  mais surtout un chapitre est consacré à « Jacquot de Nantes »,  le film d' «évocation d'une vocation» qu'Agnès Varda a tourné sur l'enfance du cinéaste, film-clé qu'il est indispensable de montrer aux lycéens en introduction a 1’univers affectif d'un auteur à la  fois rêveur et opiniâtre, léger et grave. Doté d'un index, d'une filmographie entièrement revue - on y découvre que Jacques Demy a été assistant d'Albert Lamorisse - d'une fiabilité assurée (en particulier pour les distributeurs : les droits de plusieurs films de Demy ont été  rachetés par Cine-Tamarisqui  veut sauver les copies de l’abandon et de la  dispersion), ce livre est une somme - pas du tout un pensum - et des lycéens peuvent le lire avec plaisir et profit. La  méthode de Jean-Pierre Berthamé est scrupuleuse. Il  avertit le lecteur des étapes (à  l'origine, il y  a un thèse universitaire) traversées avant et après la première publication. Il prévient de l'impossibilité pour lui « d'affecter une extériorité du jugement » envers un homme et une œuvre avec lesquels il a entretenu des relations privilégiées. D'où un livre formidablement documenté, où les interprétations s'appuient sur des faits et des données concrètes. Le chapitre sur « Les parapluies de Cherbourg » n'a pas été réécrit (Jean-Pierre Berthomé a remis l'analyse du film à Nathan pour la collection Synopsis) mais, tel qu'il est, il fournit les informations nécessaires à une approche didactique rigoureuse. Il informe aussi sur la genèse de la musique et du décor. Son ton de plaidoirie entraîne irrésistiblement au dépassement du premier degré du film. Tous les films du cinéaste bénéficient du même souci d'exactitude etde justesse. L'aspiration mystique,  le goût de l'adaptateur à l'écran du « Bel indifférent » (1957) pour l'univers de Jean Cocteau, ne sont pas négligés. Les multiples correspondances qui tissent la trame et la cohérence romanesque de l'œuvre sont l'objet d'un inventaire séduisant. Jean-Pierre Berthomé dévoile les «racines» personnelles et culturelles de la démarche de créateur de Jacques Demy. Sa conclusion émue donne sa vraie dimension à la part du privé (l’amour Demy-Varda) et à celle du public : treize films seulement, «une conception du statut de l'artiste qui ignore ... les contraintes de l'intendance » et qui revendique la liberté du poète.

 

Françoise Jeancolas

Publié le 12 mars 2015

à propos de la même œuvre