« Percé jusques au fond du cœur » provient du Cid

24 mai 2019

Quelque chose me fascine : nos questions durant le travail sur un texte sont complètement différentes de celles des réseaux sociaux. Pour exemple, vous êtes nombreux à nous demander pourquoi avoir traduit le sous-titre de Réjouissez-vous par Percé jusques au fond du cœur. Lorsque Patrick Couton nous a proposé cette traduction, aucun débat ne fut levé et nous avons tous trouvé brillante cette adaptation de A knife to the heart. Elle provient du Cid de Corneille dont voici les premières lignes :

Percé jusques au fond du cœur
D’une atteinte impréveue aussi bien que mortelle,
Misérable vengeur d’une juste querelle,
Et malheureux objet d’une injuste rigueur,
Je demeure immobile, et mon âme abattue
   Cède au coup qui me tue.

Elle donne au titre son côté doux-amer. En effet, la première note est celle de l’espoir. Réjouissez-vous. Notre survie n’est plus en jeu. Une aide providentielle nous est apportée. Le désastre écologique, l’extinction de notre espèce ne verront pas le jour.
Mais à quel prix ? Tel est l’objet de ce roman. Dispersée partout sur Terre, une myriade de personnages va évoluer dans notre monde bouleversé par de nouvelles règles que, pour une fois, aucun d’entre nous n’a édictées. Ces coercitions bouleversent la place dominante que nous exercions auparavant sur notre planète et nous privent de ce que nous chérissons tant, notre libre arbitre – ou son illusion, ce qui peut être pire. Nous assistons alors aux réactions de tant de protagonistes à cette marche inéluctable d’un progrès dont, pour la première fois, nous ne sommes à l’origine. Ainsi, une douce amertume nous envahit.
À quel prix sommes-nous prêts à être sauvés ? Que sommes-nous prêts à abandonner ? Notre survie valait-elle cette « atteinte imprévue aussi bien que mortelle » ? Et ce roman de continuer à nous faire réfléchir sur la situation présente, celle où aucune aide ne viendra : que sommes-nous prêts à abandonner pour la survie de notre espèce ?

 Yann