En résumé, Chasseurs de sorciers est un très bon roman de portal fantasy. D'abord déconcertant, le temps que le lecteur prenne ses marques dans les deux univers, il devient ensuite trépidant, riche en actions, en émotions et en mystères.

Chasseurs de sorciers - Les Chroniques de l'Imaginaire
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Tremaine est suicidaire. Elle en ignore la raison exacte. Est-ce parce que sa seule famille, un père criminel et un oncle comptant parmi les plus grands mages de tous les temps, a disparu sans laisser de trace ? Est-ce parce que la guerre contre les Gardiers fait rage et que la chute du royaume d'Ile-Rien semble désormais inévitable ? Est-ce parce qu'elle ne peut plus jouer aucune de ses pièces à cause du conflit ? Est-ce parce qu'elle n'a ni ami ni amant et la réputation d'être folle ?

Alors qu'elle étudie les différentes manières de mettre fin à ses jours, Gérard, son tuteur, fait irruption chez elle dans un état d'extrême agitation. Tremaine aurait en sa possession un artefact magique susceptible de renverser le rapport de forces avec les Gardiers en interagissant avec une mystérieuse formule. Seul problème, cette sphère léguée par son oncle ne réagit qu'au contact de la jeune femme. Si Gérard répugne à la voir prendre des risques, Tremaine est en revanche ravie de cette mission qui pourrait lui fournir l'occasion de se faire tuer sans effort de sa part. A sa grande stupeur, la formule ne génère pas une arme. Tremaine et Gérard se retrouvent à la place catapultés dans un autre monde, où la menace des Gardiers est tout aussi présente.

Gilead, élu par son Dieu pour chasser les magiciens, et Ilias, son frère adoptif maudit, sont en route pour l'Île des Tempêtes. Des bateaux de pêcheurs disparaissent sans explication, du mouvement a été repéré près de l'Île : un nouveau magicien pourrait être en train de tendre ses filets pour semer la mort et la désolation dans les environs. Prenant leur courage à deux mains, les jeunes hommes empruntent les mêmes grottes et couloirs funestes qu'ils avaient parcourus lors de leur dernière visite, à l'attaque du terrible Ixion. Ils devront affronter les souvenirs de cette précédente aventure tout autant que de nouveaux périls inattendus pour espérer rentrer chez eux vivant.

Je suis une grande fan de Martha Wells et tout particulièrement de sa récente de série SF, Journal d'un AssaSynth. Pourtant, les premiers chapitres de cet ouvrage m'ont laissée perplexe. Le monde de Tremaine et celui d'Ilias, les deux personnages principaux de ce récit, sont très différents : l'un semblerait proche du début du vingtième siècle, avec des noms de lieux identiques ou proches de noms véritables (Vienne, Marseille...) mais avec une magie omniprésente et intégrée et dont se dégage donc une atmosphère steampunk, l'autre semble antique et rejeter la magie, avec à la clef une ambiance mythologique. Je me suis sentie un peu perdue entre ces deux univers le temps que le récit se mette en place et qu'il rassemble Tremaine et Ilias. Il est possible que cet effet soit dû au fait que Chasseurs de sorciers est en réalité le troisième tome de la série - j'y reviendrai plus bas !

Heureusement, l'alchimie a ensuite opéré. J'ai dévoré les pages et me suis même sentie frustrée de ne pas avoir immédiatement le tome suivant sous la main. Je ne peux donc qu'enjoindre à dépasser ces cinquante premières pages. On se laisse ensuite totalement prendre par l'action, très présente dans le récit. Après tout, ce n'est rien de moins que la survie de deux civilisations qui se joue ! On est aussi happé par les questionnements et problèmes des protagonistes... qui sont nombreux.

Tremaine est d'ailleurs une héroïne peut-être un peu clichée : orpheline, torturée par la vie. Sa détermination à se suicider pousse cependant l'aspect dépressif de son personnage plus loin que dans d'autres romans et instille une bonne dose de suspense sur son passé, aussi bien que sur ses actions futures. C'est surtout une héroïne très complémentaire au personnage d'Ilias, lui aussi malmené par la vie mais capable de prendre les pires événements du bon côté. Le tandem fonctionne étonnamment bien et on a plaisir à les voir se découvrir mutuellement et agir de concert.

Les personnages secondaires comptent aussi parmi les points forts du récit : Gérard, le tuteur protecteur et magicien érudit, André, le playboy devenu espion et un brin parano, Floriane, la magicienne débutante, Gilead, le guerrier isolé par son statut social et sa famille... Tous sont agréables à suivre dans leurs aventures, même les plus exaspérants comme André.

Ce n'est pas un seul univers que l'on découvre. Ce sont deux mondes, avec leurs codes, leurs cultures, leurs géographies, leurs magies et même leurs langues. J'ai raffolé de l'attention portée aux langues. Tremaine et Ilias ne comprennent pas la langue de l'autre durant toute la première partie du roman. Cela pousse les personnages à communiquer autrement et nous rapproche également d'eux d'une manière assez insolite.

En résumé, Chasseurs de sorciers est un très bon roman de portal fantasy. D'abord déconcertant, le temps que le lecteur prenne ses marques dans les deux univers, il devient ensuite trépidant, riche en actions, en émotions et en mystères. Ce roman plaira donc aux amateurs de portails magiques, d'univers parallèles, de héros meurtris par la vie ou encore de mélange steampunk et antique. Comme d'habitude avec les ouvrages de Martha Wells, à la fin de la lecture, on n'a qu'une envie : se jeter sur l'ouvrage suivant de la série ou peut-être sur les ouvrages précédents dans ce cas précis. En effet, seuls trois ouvrages de la série originelle sont inclus dans la série française La chute d'Île-Rien, plus exactement les trois derniers portant sur l'histoire de Tremaine. La série telle qu'écrite par Martha Wells comporte deux autres tomes pouvant être lus indépendamment : un premier tome dévolu au célèbre sorcier Urbain Grandier et à la Reine Ravenna - tout juste mentionnés dans ce tome - publié en français sous le titre Le feu primordial par L'Atalante (2002) et Points (2007), et un second tome centré sur le père de Tremaine, publié en français sous le titre La mort du nécromant, par L'Atalante (2001) et Points (2007) . Il n'est donc pas indispensable de les avoir lus avant ce tome mais on ne peut qu'avoir envie de le faire après sa lecture ! 

 
 
Publié le 17 juin 2022