J’ai aimé Eugen et Indira, ainsi que leur entourage et leurs villes. En fait, je pense que j’ai quasiment tout aimé. Une de mes belles lectures de ce mois de septembre.

L'Ost céleste - Le nocher des livres
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Abandonnant pour un temps les I.A. et leur place possible dans notre future société (Les Machines fantômes, Composite), Olivier Paquet se plonge, en apparence, avec L’Ost céleste dans une fantasy traditionnelle. Une jeune femme est placée, contre son gré, sur le trône des Francheterres, son père ayant perdu la vie de façon jugée inconsciente. Elle doit apprendre son rôle et tenter de trouver un moyen d’exister malgré le carcan imposé. À Jirone, une république baignée d’eau et, comme Venise, emplie de canaux, un banquier maîtrisant les chiffres à la perfection tente d’asseoir son pouvoir sur sa ville. Les deux entretiennent une relation épistolaire qui va avoir des conséquences pour tous les habitants de cette région du monde.

Un duo improbable, mais qui fonctionne parfaitement

Eugen de Basfortt et la reine Indira IV. Deux personnalités au pouvoir immense, mais dans un domaine très différent. Le premier est âgé et prête de l’argent à tous ses concitoyens, du plus puissant au plus modeste. Ainsi, il sait tout : les chiffres, les nombres lui révèlent l’état de sa ville, les rapports de force qui la traversent, les changements de camp qui se préparent. Grâce à eux, il sent le vent tourner et sait comment orienter ses placements. Il est impressionnant de maîtrise. Dès les premières lignes on le voit comme en transe, écouter la musique des livres de compte. Fascinant !

La seconde est jeune et ne voulait pas devenir reine. Un classique. Elle rêve de voyager, de s’évader. Hélas pour elle, sa sécurité lui impose de rester confinée dans son château. Dès les premières lignes, on sent la pression qui s’exerce sur elle et, surtout, l’impression d’étouffer entre ces murs, malgré leurs décorations recherchées et la richesse de leurs ornements. Mais on sent aussi rapidement que cette jeune femme a du caractère et qu’elle ne pourra se contenter de jouer le rôle de marionnette entre les mains des équipes qui font fonctionner le royaume. D’autant que sa responsabilité est grande. Elle porte l’anneau, l’Ost céleste. Si on l’introduit dans le compartiment adéquat, quelque chose, quelqu’un, on ne sait plus car tout cela se perd dans le passé, viendra aider le peuple des Francheterres contre le danger qui le menace.

L’once de SF sertie dans la bague de fantasy

Comme dans Le Dernier des aînés d’Adrian Tchaikovsky, l’auteur mêle avec talent fantasy et SF. Mais ici, cette dernière n’intervient véritablement qu’à la toute fin. C’est le dernier chapitre qui dévoile ce que l’on pressent lors de cette lecture. Car on en sent la présence diffuse tout au long du récit, avec certains engins, certaines légendes. Et la présence d’indices dans la relation épistolaire codée entre Eugen et Indira, dont un certain Melkine (auquel Olivier Paquet a consacré une trilogie). Mais dans l’ensemble, on a une intrigue possédant les ressorts classiques de la fantasy : des dirigeants composés de seigneurs, de reines ; des royaumes alliés mais dont les querelles peuvent s’envenimer ; une religion pas nécessairement partagée, mais suffisamment puissante pour entraîner des conflits.

Un roman impossible à lâcher

J’ai écrit deux fois l’adjectif « classique ». Mais il n’est aucunement péjoratif dans ce cas tant Olivier Paquet a su utiliser ces codes pour en faire un récit qui nous prend dès les premières phrases. J’ai su en commençant L’Ost céleste que j’irai au bout sans m’arrêter. L’auteur, comme je l’ai évoqué plus haut, sait en quelques lignes nous rendre les personnages vivants et nécessaires, sympathiques malgré leurs défauts. Et c’est un plaisir sans cesse renouvelé de découvrir comment ils vont tenter de vaincre les nombreux coups du sort, trahisons, étapes qui jalonnent les quelques mois narrés dans cette histoire. C’est une joie de voir la jeune femme sortir de sa gangue et devenir une reine capable d’actions terribles. Car oui, même si ce récit a des côtés angéliques (les personnages triomphent des pièges), il a aussi, et c’est cela qui domine, ses côtés réalistes et cruels, sanglants, impitoyables. Les prises de décision s’accompagnent nécessairement d’effets. Et ils sont régulièrement sources de regrets, car difficiles à assumer. Et quand on est au pouvoir, on est en contact permanent avec les risques de trahisons, de manipulations, d’assassinats. Tout un monde complexe qui nous paraît pourtant évident grâce au talent d’Olivier Paquet.

J’ai vraiment pris un grand plaisir à lire L’Ost céleste. Et ce, d’autant qu’ayant découvert la quatrième de couverture, j’appréhendais un peu le côté fantasy. Or il est passé comme une lettre à la poste et j’ai dévoré les pages sans même m’en rendre compte. J’ai aimé Eugen et Indira, ainsi que leur entourage et leurs villes. En fait, je pense que j’ai quasiment tout aimé. Une de mes belles lectures de ce mois de septembre.

Publié le 24 septembre 2024