Grâce aux amazones d'Altagaïre, Derguin et sa Horde rouge ont remporté la bataille de Roche de Sang. L'invincible armée du Martal fuit devant l'avancée de l'alliance. Mais tout est bouleversé lorsqu'on apprend que Derguin le Zémalnir perd l'épée de feu, volée par la main d'un habile voleur. Le monde court alors à sa perte, des catastrophes éclatent un peu partout. Tubilok, le dieu fou, dort dans son repère dans l'attente de son réveil. Et les terrifiants Yugaroï font leur réapparition. Comme le roi gris, dernier obstacle à leur avancée, est tombé, Tramorée est alors à portée des mains impies. C'est une longue guerre qui s'engage, l’humanité est en passe de passer dans la nuit la plus totale. On déplore souvent que la fantasy ne fasse pas assez preuve de diversité ethnique. Il est vrai qu'entre le monde bipolaire d'un Tolkien où c'est la Bible du roi Georges qui a embrassé les vieux mythes nordiques et celtes, et cette uniformité elfique christianisée voulant un peu que tout le monde se convertisse pour être enfin tenu du côté du bien, il ne restait pas grand chose au lecteur possédant des origines ethniques souvent impossibles à relier à ceux que la littérature de genre et le cinéma nous présente comme une norme établie depuis toujours. Tout au plus saluerons-nous la belle entreprise d'un Charles Saunders qui avec son Imaro eut le courage d'inventer une fantasy faite pour l'hémisphère où, en gros, on pourrait être d'origine africaine et ne pas avoir l'impression de se faire violence en lisant une fantasy un peu trop consensuelle. Le cycle de Drizzt de Salvatore est également là, heureusement, pour penser d'autres couleurs de peau comme aptes à porter elles aussi la couronne de la royale fantasy, et révéler une fois de plus combien ce genre tant décrié comporte dans ses ramures des universaux qui, une fois réveillés, peuvent faire entendre n'importe quelle langue. La différence raciale en fantasy s'efface dans le rapport au moi et à l'autre. Ainsi, si chacun peut-être un héros et affronter la radicalité de son contraire (Elfes/Humains contre Orcs) il va sans dire que cela peut se faire sous des modalités multiples et donc des dénominations et couleurs de peaux différentes, encore faudrait-il bien vouloir l'écrire. Comme s'il suffisait de se penser un instant comme un autre pour faire en sorte que ce que nous écrivons en fasse de même, qu'on ne parle non plus de soi-même mais d'un autre comme nous-mêmes. Negrete fait parti de ces mains intelligentes, de ces pensées voulant tenter des chemins de traverses. En ne s'attardant qu'à un monde gréco-latin, parsemé d'éléments babyloniens il parvient à sortir de ce monde clos né avec Tolkien pour enfin nous faire resplendir un romanesque différent, hispanique, n'ayant pas peur de la comparaison avec ses homologues anglo-saxons. Certes, l'auteur n'évite pas l'écueil du manichéisme (les Yagaroï en tant qu'Orcs de service), ni non plus certaines faiblesses de rythme inhérentes à un univers complexe, sans parler des mêmes oppositions nord sud qu'on retrouve ici comme juxtaposées pour reconduire les mêmes paradigmes dans une méditerranée devenue un empire. Le résultat est probant, les rapports entre les divers protagonistes nombreux savamment mis en scène. Bref, Negrete remporte son pari, celui d'avoir déplacé les vieux paradigmes pour faire de cette méditerranée mythique l'axe central de sa fantasy. Et hormis quelques faiblesses comme des flash-back pas toujours heureux, le romanesque prend bien afin d'apporter aux lecteurs ce brin de fantasy qui donne l'impression de changer un peu d'air. Notons enfin que le traducteur, Christophe Josse, s'en sort ici avec tous les honneurs et mériterait à lui seul un prix pour tant d'excellence à retranscrire la langue de Cervantès dans un français aussi sonore. Autant dire que les lecteurs attendent avec impatience la conclusion à cette saga. Coeur de Tramorée est prévu en 2012. Emmanuel Collot Science-Fiction

Negrete - Yugaroï, la nuit des dieux - Science-Fiction

Grâce aux amazones d'Altagaïre, Derguin et sa Horde rouge ont remporté la bataille de Roche de Sang. L'invincible armée du Martal fuit devant l'avancée de l'alliance. Mais tout est bouleversé lorsqu'on apprend que Derguin le Zémalnir perd l'épée de feu, volée par la main d'un habile voleur. Le monde court alors à sa perte, des catastrophes éclatent un peu partout. Tubilok, le dieu fou, dort dans son repère dans l'attente de son réveil. Et les terrifiants Yugaroï font leur réapparition. Comme le roi gris, dernier obstacle à leur avancée, est tombé, Tramorée est alors à portée des mains impies. C'est une longue guerre qui s'engage, l’humanité est en passe de passer dans la nuit la plus totale.

On déplore souvent que la fantasy ne fasse pas assez preuve de diversité ethnique. Il est vrai qu'entre le monde bipolaire d'un Tolkien où c'est la Bible du roi Georges qui a embrassé les vieux mythes nordiques et celtes, et cette uniformité elfique christianisée voulant un peu que tout le monde se convertisse pour être enfin tenu du côté du bien, il ne restait pas grand chose au lecteur possédant des origines ethniques souvent impossibles à relier à ceux que la littérature de genre et le cinéma nous présente comme une norme établie depuis toujours. Tout au plus saluerons-nous la belle entreprise d'un Charles Saunders qui avec son Imaro eut le courage d'inventer une fantasy faite pour l'hémisphère où, en gros, on pourrait être d'origine africaine et ne pas avoir l'impression de se faire violence en lisant une fantasy un peu trop consensuelle. Le cycle de Drizzt de Salvatore est également là, heureusement, pour penser d'autres couleurs de peau comme aptes à porter elles aussi la couronne de la royale fantasy, et révéler une fois de plus combien ce genre tant décrié comporte dans ses ramures des universaux qui, une fois réveillés, peuvent faire entendre n'importe quelle langue. La différence raciale en fantasy s'efface dans le rapport au moi et à l'autre. Ainsi, si chacun peut-être un héros et affronter la radicalité de son contraire (Elfes/Humains contre Orcs) il va sans dire que cela peut se faire sous des modalités multiples et donc des dénominations et couleurs de peaux différentes, encore faudrait-il bien vouloir l'écrire. Comme s'il suffisait de se penser un instant comme un autre pour faire en sorte que ce que nous écrivons en fasse de même, qu'on ne parle non plus de soi-même mais d'un autre comme nous-mêmes.

Negrete fait parti de ces mains intelligentes, de ces pensées voulant tenter des chemins de traverses. En ne s'attardant qu'à un monde gréco-latin, parsemé d'éléments babyloniens il parvient à sortir de ce monde clos né avec Tolkien pour enfin nous faire resplendir un romanesque différent, hispanique, n'ayant pas peur de la comparaison avec ses homologues anglo-saxons. Certes, l'auteur n'évite pas l'écueil du manichéisme (les Yagaroï en tant qu'Orcs de service), ni non plus certaines faiblesses de rythme inhérentes à un univers complexe, sans parler des mêmes oppositions nord sud qu'on retrouve ici comme juxtaposées pour reconduire les mêmes paradigmes dans une méditerranée devenue un empire.

Le résultat est probant, les rapports entre les divers protagonistes nombreux savamment mis en scène. Bref, Negrete remporte son pari, celui d'avoir déplacé les vieux paradigmes pour faire de cette méditerranée mythique l'axe central de sa fantasy. Et hormis quelques faiblesses comme des flash-back pas toujours heureux, le romanesque prend bien afin d'apporter aux lecteurs ce brin de fantasy qui donne l'impression de changer un peu d'air. Notons enfin que le traducteur, Christophe Josse, s'en sort ici avec tous les honneurs et mériterait à lui seul un prix pour tant d'excellence à retranscrire la langue de Cervantès dans un français aussi sonore. Autant dire que les lecteurs attendent avec impatience la conclusion à cette saga. Coeur de Tramorée est prévu en 2012.

Emmanuel Collot
Science-Fiction

Publié le 31 août 2012