Nouvel univers, nouvelle réussite que la découverte de la plume si entêtante de Premee Mohamed.

Comme l'exigeait la forêt - Les blablas de Tachan
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Après avoir découvert et succombé au charme de Premee sur une SF post-apo poétique et engagée, je ne pouvais que céder aux sirènes de ce chant fantastique proche de la réécriture de conte qu’est Comme l’exigeait la Forêt et son entêtante couverture signée Veronica Park.

Je crois que j’affectionne décidément de plus en plus cette collection mi-format de l’Atalante où ils nous font découvrir de jeunes talents ou des talents confirmés sur des textes courts mais impactant. Après Becky Chambers, Usula Le Guin, P. Djéli Clark ou encore Martha Wells, c’est au tour de Premee Mohamed cette année et j’aime beaucoup sa sensibilité.

Après ces deux textes plus orientés SF, ici, elle s’engage sur les chemins d’une forêt maudite, étouffante, magique et effrayante à la fois, où rares sont les élus à pouvoir y entrer et en sortir. C’est le cas de notre héroïne envoyée pour récupérer les enfants du Tyran local qui y ont pénétré. Autrefois, elle aussi était entrée dedans et en était sortie, mais à quel prix ! 

L’ambiance est posée dès les premières lignes. Le texte se veut d’un onirisme proche des contes sombres et mélancoliques de notre enfance. A travers la quête de Véris, c’est l’histoire d’Hansel et Gretel qu’on revit avec ce mythe des enfants qui se perdent dans la forêt. L’autrice dépeint alors une forêt étrange, mystique, aux êtres incarnés singuliers et dangereux, remplis de trappes et chausses-trappes, et raconte ainsi également l’envers du décor : des enfants, fils et fille de tyran, qui n’ont pas la vie de luxe attendue mais vivent dans l’ombre et la crainte ; une guerrière, mercenaire, plus proche du monde paysan, qui a vécu des revers et tremble devant ce que peut faire ce tyran si elle échoue. Les forces ici, sont des forces de la nature, mais que celle-ci et les hommes peuvent facilement renverser, ne rendant rien sûr ou inéluctable. 

Il se dégage une grande force et un certain entêtement du récit, comme une odeur musquée de forêt mélangée à une sombre magie ancestrale. Quand on y pénètre, c’est à pas de loup, et on ne sait pas ce qu’on va y trouver si on fait craquer une branche. J’ai aimé ce danger, ce qui-vive, porté en plus par des personnages qu’on sent à fleur de peau et surtout très ancrés dans leurs racines, et non emportés par le merveilleux du lieu. Avec eux, c’est le deuil, la guerre, les tyrans qui sont questionnés et qui le sont avec finesse. 

Nouvel univers, nouvelle réussite que la découverte de la plume si entêtante de Premee Mohamed, peintre d’atmosphères singulières toujours sombrement oniriques. Comme elle avait réussi à incarner le parasitisme, elle réussit ici à incarner cette sombre forêt magique de tous les dangers. Et comme elle faisait passer des messages contre le sectarisme, elle en fait passer contre le joug de l’oppression sous toutes ses formes dans ce nouveau texte aux allures plus fantasmagorique aussi réussi que sa couverture le laissait pressentir. 

Publié le 22 juillet 2025

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