Ce qui se dit par la montagne est un court récit écrit par Premee Mohamed et publié aux éditions L’Atalante dans la collection La dentelle du cygne. Il fait directement suite à la novella La migration annuelle des nuages dont il prolonge l’intrigue. Ayant adoré ma lecture du premier tome, il était évident pour moi de poursuivre l’histoire de la jeune Reid et voici ce que j’en ai pensé…
Des questionnements passionnants
Sous une écriture encore une fois magnifique, on retrouve ici le sujet assez central de La migration annuelle des nuages, à savoir le libre arbitre mais aussi les question d’injustice et de responsabilité. Encore une fois, Premee Mohamed explore ces notion sous divers angles. Elle réfléchit, par le biais de ce récit, à ce qui définit le libre choix d’un individu et, par extension, ce qui définit l’individu lui-même. Que ce soit par le prisme de la maladie qui semble influer sur le contrôle de ceux qui la portent ou par la pression sociale, Ce qui se dit par la montagne interroge brillamment les biais qui pèsent sur nos décisions. Il y est question d’influence, de déterminisme culturel, social, mais aussi de valeurs et de privilèges. En pleine période de bouleversements, à la naissance de l’âge adulte, Reid illustre bien cette étape charnière où l’on définit ce qui nous motive, ce qui nous construit. Notre jeune héroïne part d’ailleurs ici à la découverte de son identité. Un cheminement complexe d’autant plus quand on est seule pour la première fois de sa vie. Ce qui se dit par la montagne questionne d’ailleurs assez brillamment notre société basée sur la solitude, elle interroge notre faiblesse en tant qu’entité unique, tout comme elle souligne notre force lorsqu’on fait équipe. C’est aussi un récit qui montre qu’il suffit parfois d’une étincelle, d’un acte, pour que tout se renverse. C’est un véritable cri pour la liberté de choisir, tout comme une invitation féroce à bouleverser l’ordre établi pour espérer faire advenir un monde plus juste. Un changement qui ne sera possible qu’ensemble.
Colère et injustice
L’intrigue de Ce qui se dit par la montagne démarre à l’instant où celle de La migration annuelle des nuages s’est achevée. Nous retrouvons avec plaisir Reid qui à quitter son foyer et s’apprête à vivre autre chose que ce qu’elle a toujours connu. Elle va heurter, à cet autre monde possible, ses valeurs et son idéalisme, mais aussi toute la colère qu’elle porte en creux face à l’injustice de sa jeunesse sacrifiée par les générations précédentes. Sous son regard, on découvre une façon de vivre qui nous évoque forcément la nôtre. Ce sont deux mondes qui s’opposent : la vie en communauté face à celle plus individualiste, mais également la survie difficile face à un confort absolu et total. Les privilèges face au bien commun. C’est la rage qui anime Reid qui nous permet de mieux voir l’injustice terrible des siens et de tous ces autres isolés dans un monde aride et mourant et oubliés de ceux pour qui tout va bien. C’est son idéalisme sincère et intense qui la porte mais la heurte aussi trop frontalement à l’indifférence de ceux qui ont tout mais ne partagent rien. Cette suite est animée de la même colère que le premier mais prend ici plus ancrage dans sa réalité. Reid est toujours le parfait exemple d’une jeunesse militante qui aspire à changer les choses et qui souffre des murs qui se dressent face à elle, et qu’elle cherche continuellement à détruire. Elle est inspirante. Le final de cette novella est particulièrement intense et beau. Je n’ai qu’une seule hâte : que sa suite paraisse vite!
En bref, Ce qui se dit par la montagne est une suite tout aussi formidable que son tome précédent. On retrouve la plume formidable de son autrice ainsi que ses questionnements particulièrement pertinents sur la question du libre arbitre et de l’injustice. Reid est une héroïne formidable qu’on prend grand plaisir à voir évoluer. On ressent et on comprend parfaitement la rage qui l’anime et elle nous inspire à changer le monde. Coup de cœur.