Ce qui se dit par la montagne est une suite passionnante sur la nécessaire solidarité des peuples et la prise de conscience de l’injustice.

Ce qui se dit par la montagne - Just a word
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Poursuivant la publication en langue française de l’autrice américaine Premee Mohamed, les éditions L’Atalante nous offrent cette fois la suite directe de La Migration annuelle des nuages dans laquelle nous avions découvert un monde post-apocalyptique où des communautés de survivants s’efforçaient de survivre à la fois contre les périls naturels mais également contre un champignon-parasite appelé le cad.
Dans Ce qui se dit par la montagne, les aventures de Reid se poursuivent puisqu’elle quitte enfin les siens pour rejoindre la fameuse université de Howse où un monde complètement nouveau l’attend après bien des dangers. Toujours traduit par l’excellente Marie Surgers et illustré par la non moins excellente Veronica Park.

Reid a donc laissé Edmonton derrière elle. Il lui faut cependant bien du courage pour voyager jusqu’à Howse et il s’en faut de peu qu’elle ne voit jamais le dôme de l’université. Recueillie in extremis par le Dr Gibson, elle va maintenant découvrir ce lieu de fantasmes parmi les siens et comprendre que le monde n’est pas juste, qu’il ne l’a jamais été.
Ce qui se dit par la montagne est le prolongement naturel de La Migration annuelle des nuages. Autrement dit, le coming-of-age a vécu et Premee Mohamed s’intéresse désormais aux atours politiques et sociaux de son univers. Ce qui déçoit d’emblée puisqu’une première partie de la novella est consacrée à la découverte du lieu et l’inévitable tissage de liens entre adolescents qui pourrait dangereusement faire ressembler cet opus à une chronique teenager lambda avec ses rivalités, ses amitiés et ses amours.
Heureusement, Premee Mohamed se reprend à temps et évite cet écueil en dirigeant les réflexions de Reid sur le gouffre qui sépare les modes de vie d’Edmonton et Howse. Howse est un lieu préservé, une sorte de paradis où l’on dispose de tout en abondance, où l’on peut prendre une douche et avoir un repas conséquent tous les jours. Le tout sans craindre le cad puisqu’un traitement suspensif est disponible et qu’il ne nécessité qu’une injection tous les mois. En somme, un paradis.
C’est là que réside le problème pour Reid : la capacité des riches/privilégiés à ignorer la souffrance des autres survivants à l’extérieur pour préserver leur mode de vie. Détourner les yeux pour regarder ailleurs et demain.
Jamais en arrière.

Premee Mohamed prolonge ce qu’elle avait déjà tenter d’énoncer dans La Migration annuelle des nuages, à savoir que la survie passe par l’entraide et que le repli sur soi et l’individualisme ne mènent qu’à la souffrance.
Le secret que cache Howse s’aligne d’ailleurs avec cette réflexion. Pour garder un peuple dans un chemin bien défini et qu’il ne s’en détourne pas, il faut une forme de chantage, un contrôle.
Reid se rend vite compte que le paradis qu’elle a sous les yeux n’a aucune envie d’aller aider les autres. C’est à peine si l’on tolère sa petite association étudiante ainsi que ses saillies acerbes.
Doit-on risquer la vie paisible de l’université pour aider son prochain ?
Pour Premee Mohamed la question ne se pose même pas et c’est par l’empathie avec son personnage principal qu’elle articule sa manière de penser. Si la fin ouverte semble appeler une suite de ses vœux, on pourrait aussi arguer qu’elle met un point final à la question en faisant se lever les flammes de la prise de conscience, portées, comme souvent, par la jeune génération et par ceux qui savent.

C’est l’heure des comptes pour Reid et l’on retrouve avec joie cette adolescente qui refuse l’apathie et la résignation. Ce qui se dit par la montagne est une suite passionnante sur la nécessaire solidarité des peuples et la prise de conscience de l’injustice.
Note : 8/10

Publié le 3 novembre 2025

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