En résumé, un très bon roman, d’autant plus que la délicieuse cuisine cajun y est mise à l’honneur en permanence – les repas de Robichaux donnent faim ! -, avec une pointe d’humour toujours bienvenue (j’avoue, en tant qu’amateur de « country music », avoir particulièrement apprécié le clin d’œil de la p. 332 à la célèbre chanson de Johnny Cash, « A Boy Named Sue »), qui nous fait revenir avec bonheur à de la SF à la fois créatrice, tolérante vis-à-vis de l’Autre et pleine d’optimisme quant à la supériorité des valeurs « classiques » lorsqu’elles sont une base de comportement et non une simple posture.

Honsinger - Rapprochement à gisement constant - ActuSF
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Les coups de coeur de Jean-Luc Rivera - septembre 2017

Jean-Luc Rivera est un passionné et un érudit de tous les genres de l’Imaginaire. Organisateur du Festival de Sèvres, conférencier et membre du jury du Grand Prix de l’Imaginaire, il nous fait partager régulièrement ses coups de cœur sur Actusf.

Dans un coup de cœur d’avril dernier, je vous parlais du premier tome de « De Haut bord », de la belle SF militaire comme je l’aime : avec « Rapprochement à gisement constant  », deuxième volume de la série (L’Atalante), H. Paul Honsinger continue de nous faire partager les aventures de Max Robichaux, le capitaine d’origine louisianaise du « Cumberland », cet officier pour qui honneur, sens du devoir et efficacité dans l’accomplissement des missions priment sur d’autres considérations comme la politique et la flatterie des supérieurs hiérarchiques. Et, pourtant, après avoir vaincu un effectif krag - ces ennemis implacables, lointains descendants des rats, qui ont décidé d’éradiquer l’espèce humaine de la galaxie car elle soutient que ce sont des rongeurs descendant de la vermine de la Terre et est donc mécréante – supérieur en nombre au cours d’une manœuvre aussi téméraire qu’innovante (magnifiquement décrite), il va lui falloir mettre sa fierté dans sa poche, et son mouchoir par-dessus, lorsqu’il se retrouve nominalement sous les ordres du capitaine Duflot, officier qui n’a jamais vu le combat et suit à la lettre les instructions du manuel, dont l’incompétence est à la hauteur de l’ego :celui-ci, grâce à un parent bien placé, se retrouve en charge du convoi chargé d’escorter un envoyé sur la planète Rashid IV afin de négocier l’entrée en guerre du Royaume unifié de Rashid, des émirats alliés et du protectorat de mondes islamiques, une alliance capitale – et, accessoirement, due en bonne partie aux actions de Robichaux et aux talents de diplomate de son médecin de vaisseau et ami, le Dr. Sahin. Robichaux saura comment utiliser à son avantage les règles, continuer d’être un officier et un homme d’honneur et mener à bien, malgré les obstacles aussi bien humains que krags, ses missions tout en continuant de motiver et d’éduquer son équipage dont il gagne le respect (je vous laisse la surprise de la manière dont celui-ci le lui rendra, c’est fort bien trouvé). Le roman se dévore comme le premier, mélange bien dosé de combats épiques – les descriptions des mouvements de la flotte des jeunes Pfelungs sont enthousiasmantes - et de tactiques osées, de beaucoup d’action mais aussi de beaucoup de psychologie : non seulement celle des principaux protagonistes – Robichaux dont nous comprendrons en même temps que lui d’où lui viennent ses peurs et la superbe et émouvante manière dont il va travailler dessus, Sahin – mais aussi celle des différentes espèces extra-terrestres. Robichaux avait réussi à comprendre les Pfelungs, dans ce roman il va commencer à établir des liens avec l’espèce la plus redoutée de cette partie de la galaxie, les effrayants et arrogants chasseurs que sont les Vaaachs, des prédateurs au sommet de l’évolution : ce qu’il fait pour cela, son comportement et ses réactions, constituent certaines des pages les plus intéressantes et les plus fines du livre (une fois de plus j’ai pensé au roman de Barry B. Longyear, « Enemy Mine »). De plus, Honsinger introduit une énigme historique passionnante : pourquoi n’y a-t-il pas de civilisations plus avancées que celles connues dans notre bras de la galaxie ? L’auteur apporte une réponse aussi intéressante qu’osée, d’autant plus qu’elle pose de graves questions morales, en particulier sur la notion de génocide. En résumé, un très bon roman, d’autant plus que la délicieuse cuisine cajun y est mise à l’honneur en permanence – les repas de Robichaux donnent faim ! -, avec une pointe d’humour toujours bienvenue (j’avoue, en tant qu’amateur de « country music », avoir particulièrement apprécié le clin d’œil de la p. 332 à la célèbre chanson de Johnny Cash, « A Boy Named Sue »), qui nous fait revenir avec bonheur à de la SF à la fois créatrice, tolérante vis-à-vis de l’Autre et pleine d’optimisme quant à la supériorité des valeurs « classiques » lorsqu’elles sont une base de comportement et non une simple posture. 

Jean-Luc Rivera

Publié le 19 septembre 2017