S. Perraud
Simon R. Green a l’art d’inventer des personnages peu communs ...dans leur banalité. Avec des protagonistes ordinaires dont il habille la modestie de réflexions et de situations, il donne à l’histoire, à l’intrigue, un climat, une dimension légendaire. Cependant, il prend du recul avec les péripéties, mesurant la réalité de l’action en fonction des capacités de ses héros. Ainsi Toby s’exclame : « Si je suis le champion de l’humanité, ...alors on est vraiment dans de beaux draps. » Mais, peu à peu, l’auteur donne à ses héros, au fil des événements, les moyens de se dépasser. Ils vont, ainsi, au-delà d’eux-mêmes parce que pris dans un engrenage, dans un mouvement et deviennent ce qu’ils n’ont jamais osé rêver. Mais n’est-ce pas le principe même de ce syndrome qui touche des personnes arrivées à un haut niveau de responsabilité, et qui faisant le point, se demandent : « Mais comment en suis-je là ? Est-ce bien moi qui suis dans cette situation ? »

Dans cette fantasy et cette fantaisie où l’auteur utilise, entre autres, une partie des mythologies nordiques racontant la genèse du monde, celui-ci mélange joyeusement les genres. Il développe même tout un volet sentimental, allant jusqu’à l’aveuglement de l’amour. Toutefois, derrière la façade humoristique et tonique de l’histoire, l’auteur génère dans ce livre, avec la description de scènes quotidiennes, un climat mélancolique, s’interrogeant sur le sens d’une vie, son côté dérisoire par la répétition de gestes qui n’apportent rien.
Certes, on peut reprocher certaines lenteurs, des paragraphes qui s’étirent. Un amaigrissement d’une centaine de pages aurait donné à ce roman le punch et le tonus d’un athlète de haut niveau !

 

Cela dit, Le Vin de minuit garde ses qualités, ses atouts et son attrait : une histoire attachante, des personnages superbes, un récit mené avec talent, humour et truculence nonobstant un petit ton désabusé.

Serge Perraud, Science-Fiction Magazine

Publié le 6 mai 2008