Une série, une famille ? Chroniques du Grimnoir !

11 août 2014

Traduire une série, c’est adopter une nouvelle famille, de la cousine marrante au tonton bizarre. L’auteur fait le pater familias, un peu à l’écart dans son fauteuil : on l’oublie parfois, mais, sans lui, on ne serait pas là.

Régulièrement on se retrouve dans la grande maison, tous ensemble, et il faut se chamailler pour avoir la meilleure chambre, et on râle parce que, vraiment, il n’y a que moi qui bosse, ici, je me tape toute l’organisation et eux se laissent vivre, mais on est bien content ; parfois on ne voit personne pendant des mois, la vie coule sans eux, mais, à l’occasion ou même sans occasion, la cousine Faye ou le grand Sullivan se rappelle à votre bon souvenir. Tiens, cet énorme fusil-mitrailleur lui plairait, au détour d’un film de gangsters ; ces vaches, ce sont des Holstein, sur une route de campagne. Il y a le deuxième mari de la belle-sœur – il s’appelle comment, déjà, celui-là, et il sert à quoi au juste ? Il y a le type qui ne vient pas souvent, qui a l’air vraiment chouette et qu’on regrette de ne pas mieux connaître. Lance Talon, ici, pour moi. On croise des passionnés qui se lancent dans des tirades sur les sujets les moins probables, et, ravi ou désarçonné, on se prend au jeu – à force de traduire, je me suis intéressée aux techniques de taille du diamant, aux armes à feu bien sûr, à l’histoire de la maroquinerie et à la métallurgie étrusque.

Une réunion de famille, oui. Même ceux qui vous tapent vaguement sur les nerfs, vous êtes content de les voir ; et tous ceux que vous aimez, que vous connaissez par cœur, avec qui vous avez fait les quatre cents coups,  vous avez hâte d’avoir de leurs nouvelles. Les séries de romans, contrairement aux familles, elles ont souvent une fin. N’empêche que les personnages de Correia, ça fait des années que je leur ai ouvert ma tête. Pas anodin. Je ne verrai plus jamais un dirigeable de la même façon.

Marie Surgers