Un billet (volé) pour les Princes de la Pègre

28 juin 2012

La poussière qu’a soulevée l’étonnant Magie Brute n’est pas encore retombée, en tout cas les critiques ne le sont pas du tout… critiques, que voici venir cet autre événement qu’est Princes de la Pègre. Un livre bien plus facile à situer que notre bulldozer du joli mois de mai.

En effet, autant Magie brute est inclassable, même si on a tenté de le faire (sans succès) dans un billet précédent, autant Princes de la pègre se situe franchement dans ce genre bien labouré aujourd’hui qu’est la fantasy. Pire, il semblerait même que Douglas Hulick ait malicieusement tenté de surfer sur la vague de la fantasy “grunge” ou “sale” avec, en plus, de vrais morceaux de voleurs dedans (beurk) ! Bon, les dix ans de maturation nécessaires permettent plutôt de parler de conception parallèle. Mais le mot qui compte vraiment dans cette avant-dernière phrase est l’adjectif “Vrais” accolé à “Voleurs”. Car après avoir lu Princes de la pègre, vous comprendrez qu’à l’instar d’un Glen Cook avec la soldatesque, de J. V. Jones avec les tribus “barbares” arctiques ou de Joe Abercrombie et ses tortionnaires d’anthologie, Douglas Hulick a réussi à faire vivre tout un écosystème de voleurs aux différentes spécialités et aux solidarités bien plus fortes que ce que nous, les “pigeons”, pouvons imaginer. Car le Voleur n’est-il pas le plus souvent décrit du point de vue de la victime ? Forcément, car rares sont les écrivains qui en sont issus, je n’en ai d’ailleurs aucun exemple en tête dans le domaine de la fantasy ou de la SF. Apprenez donc qu’un Voleur doit aussi avoir un foyer, qu’il y est d’ailleurs très vulnérable, surtout s'il s’attache à ses habitants, mais comment faire autrement ? Apprenez qu’un Voleur appartient à une bande à qui il doit obéissance et loyauté, mais que cette dernière qualité est en contradiction avec sa propre profession ! Apprenez qu’un Voleur peut aussi avoir de vrais amis, à la vie à la mort… mais qu’un jour il devra sans doute les trahir. Mais je m’égare dans des considérations d'atmosphère. Pour autant, nous n’avons pas affaire à un pur roman d’ambiance, celui-ci est même traversé par les prémices d’un conflit au plus haut niveau qui soit : la tête de l'Empire et son Empereur à jamais Réincarné.

Pourtant notre histoire commence bien innocemment : deux amis fatigués regardent le soleil se lever et le receleur qui a doublé notre douteux héros, Drothe, n’a toujours pas avoué où il avait caché ses reliques impériales. D'ailleurs je crois que, de tout le livre, Drothe ne quittera jamais cet état de fatigue extrême. On peut même dire qu'il vit là ses derniers instants de tranquillité et de relative insouciance. Bientôt tout le monde courra derrière Drothe et cette mystérieuse relique, la seule différence étant que Drothe ne sait pas pourquoi ! Entre deux combats désespérés, fort bien décrits d'ailleurs, Drothe devra reconstituer un étrange puzzle et surtout éviter d'éveiller l'ire de l'Empereur contre les bas quartiers qui sont tout ce qu'il a jamais connu. Vous aurez compris, je l'escompte, que je tiens cette histoire en très haute estime. J'espère qu'elle saura également vous toucher et que vous comprendrez enfin qu'il m'est impossible de choisir entre Princes de la Pègre et Magie Brute, mais que cela ne vous empêche pas d'essayer.

Que la Lecture soit avec Vous.

Alain Kattnig co-directeur de la Dentelle du Cygne