Martha Wells nous parle de Défaillances systèmes – Actusf

Interview
12 août 2019

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Journal d'un AssaSynth, tome 1 : Défaillances systèmes vient d’être publié aux éditions L'Atalante. Quelle a été l’idée à l’origine de cette série ?
Je finissais mon dernier roman de fantasy lorsque j’ai eu l’idée d’écrire une nouvelle où une intelligence artificielle, employée comme garde du corps, tâcherait d’empêcher les méchants de la contrôler et de l’utiliser contre les humains qu’elle s’efforce de protéger. C’est en explorant cette piste que la scène entre le Dr Mensah et AssaSynth, durant la séquence de reconstruction en caisson, s'est imposée à moi. Le reste de l’histoire s'est construit à partir de là.

Quelle est l'idée derrière Défaillances systèmes ? De quoi parle ce texte ?
Je ne compte plus les histoires que j’ai lues, où, sous couvert d’un quelconque raisonnement logique, les robots, androïdes et IA veulent anéantir l’humanité. J’y voyais surtout une projection humaine, plutôt que le véritable désir d’une IA. Il m’a paru au contraire intéressant de raconter l’histoire d’une IA qui ne voudrait pas tuer les humains, quand bien même cela se justifierait, pour la simple raison qu’elle leur est complètement indifférente tant qu’ils lui fichent la paix. Une histoire où cette IA serait accro à la production culturelle de l’humanité, sans jamais désirer aucune interaction réelle. Je voulais explorer les ressorts à même d’impliquer émotionnellement une IA qui refuserait de devenir humaine.

Votre héros est un androïde défectueux. Comment avez-vous créé ce personnage ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur lui ? Pourquoi opter pour un robot semi-organique ?
Quand j'ai créé ce personnage, je voulais que la frontière entre l’humain et le robot soit si mince qu’elle en devienne arbitraire, établie dans l’unique but de servir les intérêts de ceux qui font le commerce des androïdes. Je voulais non seulement que mon personnage répugne à nouer des liens avec les humains, auxquels il ne fait pas confiance, mais qu’il se méfie également des autres bots, eux-mêmes sous le contrôle des humains et peut-être incapables de comprendre la prudence dont il fait preuve. Cela le place dans une position très solitaire.

L’écriture d’un personnage véritablement non genré, comme un robot, a-t-elle représenté un défi ?
À mon sens, le principal défi vient du fait que le concept de genre est profondément ancré dans notre culture et qu’il est extrêmement difficile d’envisager les choses sous un angle différent. Même si je me suis attachée à créer un personnage non humain dépourvu d’attributs de genre, j’ai moi-même commis des erreurs. Mais j’ai eu la chance de travailler avec un correcteur et des premiers lecteurs qui ont su m’aider à les traquer.

Pourquoi aborder le thème du libre arbitre chez de futures entités artificielles ? Y voyez-vous une source de danger ?
Pas vraiment. J’ai assisté à tellement d’avancées technologiques majeures rien que depuis l’obtention de mon diplôme universitaire, dans les années 80, que ces changements ne m’effraient sans doute pas.

Avez-vous été amenée à faire beaucoup de recherches pour l’écriture de ce roman ? Quelle a été votre méthode ?
J’ai travaillé dans la programmation, l’assistance informatique utilisateurs et la gestion de bases de données, et c'est dans cette expérience que j'ai puisé mon inspiration pour écrire ces novellas. Au cours de ma carrière, il est déjà arrivé que des données soient supprimées ou modifiées par erreur (par ma faute ou celle d’un de mes collègues) et qu’il faille ensuite les ressaisir ou les corriger. C’est ce sentiment que je voulais traduire sur le papier : le fait qu’une culture aussi avancée que la nôtre dépende encore de logiciels dont la seule faille est l’erreur humaine.

Quelles sont vos plus grandes influences littéraires ?
J’ai grandi en lisant des auteurs de science-fiction et de fantasy comme Andre Norton, Tanith Lee, Barbara Hambly ou encore Phyllis Gottlieb. J’ai aussi beaucoup lu de romans policiers.

La série Journal d'un AssaSynth est composée de quatre novellas. Pouvez-vous nous parler des trois autres ?
Schémas artificiels raconte le voyage d'AssaSynth dans une colonie minière où s’est produit un massacre dont iel est potentiellement responsable. Iel va alors essayer de déterminer ce qui s’est réellement passé. Dans Cheval de Troie, iel saisit sa chance d’exposer d’autres crimes commis par GrayCris, dans l'espoir de mettre fin à une enquête qui risque de révéler qu’iel a faussé compagnie à ses clients. Dans Stratégie de sortie, AssaSynth apprend que GrayCris s'attaque au Dr Mensah et doit revenir pour essayer d'aider la scientifique.

Vous écrivez de la science-fiction et de la fantasy. Cela semble vous tenir à cœur. Pourquoi ? Ces genres vous permettent-ils d’exprimer plus facilement vos idées ou de transmettre un message ? L'écriture vous permet-elle de dénoncer certains travers ?
Je suis une lectrice de science-fiction et de fantasy depuis mon plus jeune âge et j'ai toujours voulu en écrire. J'aime construire de nouveaux univers et raconter des histoires de magie ou de super-science.

Quels romans de science-fiction recommanderiez-vous ? Un livre que vous attendez avec impatience ?
Je lis beaucoup. Parmi mes auteurs préférés, ces derniers temps, je conseillerais Kate Elliott, N.K. Jemisin, Ben Aaronovitch, Nicky Drayden, Fonda Lee, Zen Cho, Sharon Shinn, J. Kathleen Cheney, Aliette de Bodard, Tade Thompson, Patrice Sarath, Ann Leckie, Yoon Ha Lee et Rebecca Roanhorse. Et j’attends avec impatience The Dragon Republic de R.F. Kuang et The Warrior Moon de K. Arsenault Rivera.

Et pour finir, quels sont vos projets en cours et à venir ?
Je viens de terminer le premier roman avec AssaSynth, intitulé Network Effect, qui sera publié aux États-Unis en mai 2020.


(Interview traduite par Mathilde Montier)