Lev Grossman, le magicien.

9 juin 2011

Jacques Baudou rien que pour nous l'instant d'un post !

Je tiens "Les Magiciens" de Lev Grossman pour l’un des plus importants romans de fantasy publiés ces dernières années. Parce que c’est à la fois un formidable roman de fantasy et une réflexion acérée, intelligente, subtile sur le genre mais parée de toutes les grâces de la fiction. Parce qu’en s’appuyant référentiellement sur deux “classiques” de la fantasy jeunesse, il tisse son propre univers romanesque à destination des adultes.

La première partie du livre est un roman d’apprentissage qui met Harry Potter au miroir. Mais Brakebills, où Quentin va faire l’apprentissage de la magie et tomber amoureux d’une jeune femme qui ne se prénomme pas Alice par hasard, n’est pas un décalque de Poudlard, loin s’en faut. Et pas seulement en raison de sa proximité avec Brooklyn. Cette école supérieure de magiciens ressemble bien plus à une université américaine et l’auteur, sans négliger la vie de cette communauté disparate d’adolescents, a mis l’accent sur l’acquisition progressive des arts magiques qui va culminer dans la fabuleuse séquence de la migration vers le pôle et de l’épreuve. Rarement un auteur n’a approché ce Graal de la fantasy qu’est la magie avec autant de maîtrise et de précision que Lev Grossman ici. Qu’est-ce qui prédestinait Quentin à la magie ? Est-ce cette lecture d’enfance qui l’avait profondément marqué et qui lui servait toujours de refuge quand il ne supportait plus le monde réel : celle des «Chroniques de Fillory» de l’écrivain anglais Christopher Plover ? Sans doute . Mais dans les éléments que nous donne Lev Grossman concernant ces chroniques, il est loisible d’en reconnaître la source, en l’occurrence les Chroniques de Narnia de C S Lewis. C’est justement dans le monde secondaire de Fillory que Lev Grossman nous entraîne dans la troisième partie du roman, à la suite d’un petit groupe de magiciens droit sortis de Brakebills. (Comment ne pas évoquer ici Le pays du fou-rire de Jonathan Carroll, avec qui le roman de Lev Grossman entretient un certaine parenté ?). Mais entre-temps, diplômes en poche, Quentin et ses amis auront quitté Brakebills pour le monde réel et ses dissipations, fait leurs premiers pas dans l’âge adulte, avec ce que ça implique de reniement et de trahison. Cette parenthèse amère et désenchantée prélude à l’expédition pour le crépusculaire Fillory (l’on serait bien en peine d’y trouver la moindre figure christique) où ils auront l’occasion de mettre en pratique ce qu’ils ont appris à Brakebills et où le prix à payer pour accomplir leur mission est rien moins qu’exorbitant. On ne s’aventure pas impunément dans un pays enchanté ! A ce double apprentissage, Lev Grossman donne une chute qui est un modèle d’understatement et qui participe dans sa brièveté même au sentiment de jubilation que procure à chaque instant la lecture des Magiciens. Jacques Baudou P. S.  Ajoutons que Lev Grossman est l’auteur d’un curieux thriller décalé, Codex, le manuscrit oublié, que la critique américaine a placé sous l’invocation de Borges et d’Umberto Eco, et que le nœud de son intrigue est un manuscrit intitulé Voyage au pays des Cimériens.

 

Deux sites associés à ce roman :