La science-fiction arrive-t-elle encore à nous émouvoir ?

Interview
22 mai 2024

Pour le média Usbek & Rica, Cedric Fabre a invité auteur⸱rices et éditeur⸱rices à réfléchir autour de cette vaste question : la SF arrive-t-elle encore à nous émouvoir ?
Mireille Rivalland, éditrice à l’Atalante a également répondu à cette interrogation :

« La particularité du roman, c’est de créer de l’empathie, donc de l’émotion. La littérature générale se focalise sur un moi très intime, mais la singularité de la science-fiction, c’est qu’elle ne déplace pas ses lecteurs pour un adultère dans le XVe arrondissement de Paris…  Avec la SF, on dépasse une sorte de ligne de trivialité, qui est incluse dans quelque chose de plus grand qu’une histoire quotidienne : cela change la nature des émotions, les joies, les peurs, car avec la SF on agrandit la question du moi et, du coup, dès que l’on croise des habitants d’une autre planète, on n’aura pas les mêmes émotions. En effet, il y a une différence entre ressentir des émotions de type mimétique et éprouver des émotions après avoir fait un pas d’altérité, un pas de côté, vers des êtres complètement différents de nous. 

La SF nait d’une construction très ambitieuse : il y a donc une nécessité pour le lecteur de passer un cap pour retrouver un rapport à un moi « augmenté ». Mais la SF évolue et, depuis vingt ans, elle conjugue beaucoup mieux la question de l’évolution technologique, scientifique et sociétale avec l’émotion et la qualité d’empathie ; peut-être parce qu’il y a eu un « retour sur terre », là où elle était très « planétaire » au XXe siècle… L’émotion première de la SF, plus que dans toute autre forme de littérature, c’est le vertige. Ce vertige cérébral est une émotion ultime, cette émotion où le monde bascule, quand on m’a emmené là où je ne m’attendais pas. Cet effet de vertige, qui est à deux doigts de la chute, c’est le fondement de la science-fiction. »

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