La lumière faite sur la théorie « bottière » de l’injustice socio-économique du capitaine Samuel Vimaire

1 février 2022

Qu'est-ce-que la théorie « bottière » de l’injustice socio-économique du capitaine Samuel Vimaire ?

La théorie « bottière » provient d'un passage du Guet des Orfèvres, roman de Terry Pratchett publié en 1993 (et en 2000 pour la traduction française). Le livre met en scène le capitaine du Guet, Samuel Vimaire qui est sur le point d'épouser l'une des femmes les plus riches du Disque. Il s'exprime alors sur les différences entre les habitudes de dépenses des riches et des pauvres. Terry Pratchett expose alors en détail, au travers de la théorie « bottière » du capitaine Vimaire, l'injustice socio-économique qui montre clairement combien il est coûteux d'être pauvre.
 
« Les riches étaient riches, concluait Vimaire, parce qu’ils parvenaient à dépenser moins d’argent.
Tenez, les bottes, par exemple. Il gagnait trente-huit piastres par mois plus les indemnités. Une très bonne paire de bottes en cuir coûtait cinquante piastres. Mais une paire abordable, du genre à tenir une saison ou deux avant de prendre autant l’eau qu’une éponge dès que le carton rendait l’âme, en coûtait à peu près dix. C’était ce modèle que Vimaire achetait toujours et portait jusqu’à ce que la semelle devienne si mince qu’il arrivait à deviner dans quelle rue d’Ankh-Morpork il se trouvait par nuit de brume rien qu’au contact des pavés.
Mais ce qu’il faut dire, c’est que de bonnes bottes duraient des années et des années. L’acheteur en mesure de débourser cinquante piastres pour une paire de bottes gardait ses pieds au sec au moins dix ans, alors que le miséreux qui ne pouvait s’offrir que des bottes bon marché dépensait cent piastres dans le même laps de temps et se retrouvait quand même les pieds mouillés.
C’était la théorie « bottière » de l’injustice socio-économique du capitaine Samuel Vimaire. »
 
Extrait du Guet des Orfèvres de Terry Pratchett, traduit par Patrick Couton
 

Pourquoi, 29 ans après la publication de ce roman, cette théorie fait parler d'elle ?

Le 25 janvier dernier, Rhianna Pratchett a autorisé l'utilisation d'un nom lié à l’œuvre de son père pour apporter sa pierre à la lutte contre la pauvreté. Elle a fait en sorte que Jack Monroe, une écrivaine, journaliste et activiste britannique connue pour son engagement dans ce combat, puisse utiliser le terme « Vimes Boots Index ». Il s'agit d'un indice des prix qui suivra « la progression insidieuse des prix des articles essentiels au supermarché ».

Jack Monroe documente la hausse des prix des produits de première nécessité depuis plus d'une décennie. Dans un récent fil Twitter, elle a donné d'innombrables exemples de ces changements drastiques de prix :

 
Rhianna Pratchett a déclaré au Guardian : « La réflexion de Vimaire sur le coût de la pauvreté à travers le prix des bottes était une analyse acérée de l'injustice socio-économique. Une réflexion qui n'est que trop pertinente aujourd'hui, où les plus vulnérables font si souvent les frais des mesures d'austérité et sont privés de protection et d'empathie.
Si Vimaire n'est plus, nous avons Jack [Monroe], et papa serait fier de voir son œuvre utilisée de cette manière. »
 

Source : The Guardian - Tor - Elbakin - Actusf

Illustration : Paul Kidby