J.-C. Dunyach : le destin spatial de Lady Évangeline

Interview
26 juin 2019

L’écrivain français de science-fiction Jean-Claude Dunyach est de retour cette année avec Trois hourras pour lady Évangeline, en librairie le 20 juin aux éditions L’Atalante. Une héroïne irritante mais héroïque, l’humanité en danger, la place des femmes dans le récit, l’avenir spatial… L’auteur nous livre le portrait de son nouvel ouvrage.

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De quoi parle « Trois hourras pour lady Évangeline » ?

C’est un space opera un peu particulier, car à l’origine il y avait une novella, donc un texte d’une cinquantaine de pages, qui traitait d’une adolescente envoyée sur une planète-école. Elle se retrouvait prisonnière d’une ruche qui essayait de la transformer en reine. Cette histoire me plaisait. Le personnage aussi, bien qu’il soit absolument odieux et insupportable… Mais je trouvais que cette Évangeline avait une vraie vitalité.

À un moment donné, un univers s’est déployé tout autour. Elle est devenue une partie d’une histoire beaucoup plus large, ce qui donne un roman dans lequel l’expérience préalable d’Évangeline va lui permettre de communiquer avec une variété d’extraterrestres dont le but est d’exterminer l’humanité. Elle demeure le seul espoir d’arriver à établir un compromis. Il y a beaucoup de morts, mais on arrive à une fin… à peu près équilibrée !

Quel était le plus plaisant dans l’écriture de ce roman ?

Je me suis régalé surtout parce que la plupart des personnages sont féminins et que ce ne sont pas des Captain Marvel, mais juste des femmes qui, confrontées à un problème qui les dépasse et qui dépasse l’humanité, tentent de survivre de la meilleure façon. Et si possible d’arranger les choses !

J’ai voulu me projeter dans un espace au sein duquel cette histoire d’inégalité entre hommes et femmes n’existe plus, car l’égalité sexuelle et de perception y est présente au point que tout le monde peut s’en moquer. C’est un endroit où la sexualité est débridée, et où toutes les formes de sexualité sont placées au même plan. On ne se pose même pas la question de savoir si on est homosexuel, hétérosexuel, etc., on se demande juste « Dans quel pourcentage je suis aujourd’hui, qu’est-ce que j’ai envie de faire en ce moment avec cette personne en face ? ». Personne ne te juge sur le fait que tu sois un homme ou une femme. Cela me permet de jouer avec les archétypes et de dire que ces archétypes ne servent à rien.

Je crois que toute société qui se développera dans l’espace aura réglé son problème de rapport hommes-femmes, car sinon nous sommes coincés.

Lady Évangeline semble être un peu comme Cersei dans Game of Thrones : elle est méchante, mais on adore la détester. Comment opère ce type de charme dans un récit ?

Évangeline n’est pas quelqu’un de mauvais par essence. Elle est juste une adolescente insupportable de 16 ans (on sait tous ce que c’est !). Mais à un moment donné elle est face à une situation où sa survie est confrontée à des choix inacceptables. Elle fait la seule chose qu’elle peut faire : s’en tirer. J’aime les gens qui survivent, au-delà de la morale, au-delà de toute forme de respect de soi en se disant « Tant pis pour cette bataille, je survivrai pour faire la prochaine ». C’est ce qu’elle fait.

On dirait une forme de récit initiatique…

Pas totalement. Ce n’est pas forcément un récit de passage à l’âge adulte, mais surtout un récit sur le passage à un autre niveau de conscience de soi. On cesse d’être une gamine égocentrique et insupportable, avec tous les malaises que ça peut comporter, pour devenir quelqu’un qui s’assume.

Un développement vers l’espace est-il le futur inéluctable de notre société ?

Je l’espèce, car si on ne le fait pas, cela veut dire que l’on va rester sur une planète dont on va progressivement épuiser les ressources. Donc je me dis comme les Américains, « the only way is up », la seule façon c’est de regarder vers le ciel.

La science-fiction incarne quel type de message concernant ce futur spatial ? Optimiste, pessimiste ?

À partir du moment où l’humanité que je décris est dans l’espace, cela prouve qu’elle a survécu. Donc c’est un projet optimiste. Et là, en plus, elle est confrontée à une menace terrifiante à laquelle elle survit malgré tout.

La science-fiction n’est pas vocation à être optimiste ou pessimiste, elle a pour vocation de regarder loin et de dire « je vous emmène là-bas », pour voir quels sont les chemins que l’on a pris pour y arriver, et quelles conséquences cela peut avoir.

Puisque tout est parti d’une novella pour donner un roman, l’univers de Lady Évangeline va-t-il s’étendre encore au-delà de cet ouvrage ?

Non, nous sommes arrivés au bout de l’histoire. Que le personnage revienne quelques années plus tard, je ne sais pas. Je souhaite une longue vie à Évangeline. Ce qu’elle peut devenir m’intéresse. Un jour, peut-être qu’il y aura une vieille Dame Évangeline qui viendra m’expliquer ce qu’elle a vécu, et à ce moment-là j’écrirai un autre livre. Mais pour l’instant, ce n’est pas le cas.

 

Marcus Dupont-Besnard pour Anticipation, la revue