Le thème de la culture, du livre, de ce qui reste quand tout le reste est perdu, court comme un fil rouge dans le recueil, et ne peut que parler à tout lecteur.

D'où viennent les nuages - Les Chroniques de l'Imaginaire
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Ce recueil de nouvelles donne une bonne idée du style de Régis Goddyn. A ce titre, il plaira à ses lecteurs et lectrices, mais peut aussi constituer une bonne introduction à son oeuvre, pour ceux et celles qui ne le connaîtraient pas encore.

Les comptes fantastiques d'Haussmann : Napoléon III et le baron Haussmann ont bien plus d'une raison pour éventrer Paris. Certains toutefois veilleront à ce qu'ils ne trouvent pas ce qu'ils cherchent. Cette nouvelle fantastique au titre plein d'humour est assez convenue, mais solidement écrite, avec notamment un point de vue intéressant.

La tour de Lille : la plus grande partie de la ville est immergée suite à la montée générale du niveau des mers, mais des familles, dont celle de Jibé, ont refusé de partir. Jibé fouille les ruines enfouies en espérant y trouver des antiquités à revendre. Une nouvelle de science-fiction pleine d'humour, qui peint avec réalisme un futur possible.

Un radeau sur le Styx : après l'extinction de toutes les étoiles, les villes sous globe ont une civilisation totalement différente, avec des légendes totalement différentes aussi, mais il y a toujours des enfants à qui les raconter. La touche d'humour finale est plaisante, et la persistance du goût des enfants pour les histoires permet de croire à cet univers très étranger.

Albédo : une compétition aux Jeux paralympiques sur Titan. Une autre nouvelle science-fictive, avec une construction d'univers intéressante, mais qui semble s'essouffler un peu (si j'ose dire !) dans la progression de la course, avec une fin un peu rapide.

Altéa : que décider quand la mort est certaine ? Quand toutes les solutions sont mauvaises ? L'une de mes nouvelles préférées, avec son twist final, et un thème sombre traité de façon à la fois réaliste et sensible.

D'où viennent les nuages : Alidor n'a plus beaucoup de choix restants : Emme l'a quitté, le public l'a oublié... que risque-t'il vraiment à devenir un ligneur ? Une autre excellente nouvelle, bien écrite et originale sur un héros qui n'a plus rien à perdre, et qui y trouve la capacité à se surpasser, dans un univers qui évoque à la fois Flatland, d'Edwin Abbott, et La horde du Contrevent, d'Alain Damasio.

Beauté : Sylvan engage une escorte pour l'accompagner jusqu'à un village d'où il prévoit de s'embarquer. Mais il y a bien plus en Falco et son ânesse qu'il n'avait pensé. Cette nouvelle, bonne en soi, est sans doute encore plus intéressante pour qui a lu Le sang des 7 rois.

Le sac : Doléas a été envoyé tendre la main à Shaon parce qu'il le connaît bien. Du moins est-ce ce dont il était convaincu, ainsi que son commanditaire. Ce texte comporte une belle tension dramatique, et les personnages sont bien construits, de même que l'évolution de leurs rapports. L'univers dans lequel il se déroule semble intéressant, tant et si bien qu'on reste sur un goût de trop peu, avec la fin ouverte.

La tombe : la reine a échappé de trop peu à un assassinat pour ne pas vouloir une revanche. Celle-ci implique la présence de scripteurs et scriptrices sur la ligne de front. On reste dans le même univers, qui se développe et s'enrichit de façon intrigante : la magie n'est pas rare dans ce type de monde, mais l'usage et l'importance de la lecture restent mystérieux, cependant qu'un personnage intéressant apparaît seulement sur la fin.

Le livre : cette nouvelle est la suite directe de la précédente, et raconte le voyage d'Altria vers le front. Elle permet de découvrir ses compagnons, et surtout compagnes, de route. Ces trois dernières nouvelles, inédites jusqu'à présent, forment un tout satisfaisant, même si j'en apprendrais volontiers davantage sur cet univers complexe et intrigant, avec son système de castes, son conflit interminable, et sa forme de magie... sans parler de l'importance de la littérature !

Les différents genres majeurs des littératures de l'imaginaire sont représentés ici, avec un égal bonheur [...]. Le thème de la culture, du livre, de ce qui reste quand tout le reste est perdu, court comme un fil rouge dans le recueil, et ne peut que parler à tout lecteur. Par ailleurs, les trois nouvelles inédites, regroupées à la fin, et qui se déroulent dans le même univers, donnent bien envie d'en lire davantage, et c'est après tout l'un des buts d'un tel recueil.

Publié le 2 mai 2024