Démarrant sur une base ultra-classique de Card : récit d’apprentissage avec un adolescent découvrant ses talents cachés, la porte perdue montre que l’écrivain est toujours aussi à l’aise pour dépeindre un enfant. De même pour la mise en place d’un univers original : aussi bien l’histoire de Westil et de sa fermeture par Loki que le système de magie portent la marque d’un véritable créateur. (...) Enfin, premier tome d’une trilogie, les quatre-cents pages ne sont pas de trop pour mettre en forme l’univers et l’intrigue centrale démarre juste à la fin de ce premier tome. Malgré ces quelques défauts, La Porte perdue prouve que Card a conservé son talent de conteur. Un bon roman de fantasy, donc, loin des chefs-d’œuvre de l’auteur, mais suffisamment plaisant pour qu’on ait envie de connaître la suite.
René-Marc Dolhen
Les anciens dieux vivent bel et bien
parmi nous, cachés et invisibles à nos yeux. Ils sont également à
l'origine des histoires de fantômes et des contes de fées. Seulement,
ils sont de plus en plus faibles depuis que Loki a fermé les portes
menant à Westil, devenu ainsi l'ennemi juré des dieux impuissants.
Appartenant à une famille du nord, Danny est soupçonné d'être un
Drekka, un dieu sans magie destiné à être exécuté par ses propres
parents. Mais un accident avec ses cousines va lui faire prendre
conscience qu'il est un Portemage.
Or s'il y a bien quelques choses
de pire pour les familles que les Drekka, c'est un Portemage, un être
capable de créer des portes et qui pourrait relancer les guerres entre
dieux. Ayant le choix entre être sacrifié par les siens et s'enfuir,
Danny choisit bien entendu la deuxième option. Cet adolescent qui
vivait de manière plus qu'anachronique va donc se retrouver sur les
routes de l'Amérique contemporaines, lieux qui recèle autant de dangers
potentiels que d'alliés inattendus.
A l'instar de nombreux romans
de fantasy, La Porte perdue contient donc une quête initiatique assez
légère, mais l'univers qui n'est pas sans évoquer American God de
Neil Gaiman et la plume d'Orson Scott Card font la différence. Le roman
est donc un agréable divertissement, peut-être une simple mise en
bouche avant que cette série ne prenne plus d'ampleur, car elle en a le
potentiel. Orson Scott Card semble s'amuser de ses personnages, dont
certains sont carrément loufoques, et prendre plaisir à mettre en place
son système de magie. (...)
Une fantasy passe-muraille
Nouvelle série pour Orson Scott Card, qui retourne à la fantasy avec Les Mages de Westil, renouant pour l'occasion avec ce qui a fait son succès et reste sa force : sa capacité à évoquer et faire vivre des personnages d'enfant.
Danny est un fils de dieu. Enfin, pas comme nous l'entendons. Il appartient à une communauté qui vit en autarcie, loin du reste des hommes. Une communauté de mages qui ont encore des pouvoirs, mais rien au regard de ceux qu'ils possédaient auparavant. Les dieux des panthéons humains, c'était eux : les Thor, Odin et autres Jupiter. Mais depuis que ce farceur de Loki a refermé, en 632, la porte qui les reliait à leur monde, Westil, ils perdent d'une génération à l'autre de leur puissance. Ils déclinent, aigris, refermés sur eux-mêmes. Attendant l'arrivée d'un porte-mage - un créateur de portes - suffisamment puissant pour ouvrir une nouvelle liaison avec leur univers. La craignant aussi, car les différentes familles continuent à se détester et aucune ne souhaite voir les autres posséder un atout si puissant.
Apparemment, Danny n'est pas concerné par ces luttes. Enfant de mages puissants, il n'est cependant qu'un simple drekka : un être sans pouvoir. Tout juste bon à servir d'objet de moqueries. Jusqu'au jour où, en danger, il s'aperçoit qu'il sait créer des portes. Petites, certes, mais réelles. Aussitôt, il comprend que sa vie est menacée. À treize ans , il part donc seul dans le monde des somnifrères, le monde des humains ordinaires. Pendant ce temps, à Westil, un être étrange, jusqu'alors piégé dans le tronc d'un arbre, revient à la vie. Recueilli au château sous le nom de Boulette, il observe la vie des rois comme celle des serviteurs, sans prendre parti. Mais lui aussi découvre rapidement qu'il est capable de se déplacer par magie d'un endroit à un autre. Et, d'observateur, il va devenir acteur et faire des choix aux conséquences terribles.
Si depuis plusieurs romans, les déceptions se succèdent au fil des nouveautés d'Orson Scott Card, chaque nouvelle parution génère malgré tout une certaine impatience, tant on s'obstine à espérer que l'auteur parvienne à renouer avec le souffle de ses débuts. Las, le cycle ici entamé n'a pas la force lyrique d'Ender, mais il inaugure néanmoins une série qui devrait s'avérer agréable à suivre. Les personnages font preuve d'une force réelle, une grande intensité. Ils prennent vie devant nous et on se laisse entraîner sans effort. Le jeune Danny se révèle criant de vérité, avec ses doutes et ses désirs. De même que les adultes l'entourant.
Le ton, par contre, est fluctuant, et par là même déstabilisant. L'auteur mêle des moments enfantins (tellement proches de Danny et de ses envies, de sa façon de parler, qu'on réserverait volontiers la lecture de La Porte perdue aux adolescents) à des passages plus ardus, surtout quand le jeune héros s'essaie au maniement des portes et s'interroge sur leur fonctionnement ; une oscillation qui s'avère souvent lassante. A l'instar d'ailleurs de cette impression de déjà vu face à certaines situations : difficulté à se renouveler, à sortir de clichés rebattus. Le cadre choisi par Orson Scott Card, ses familles de divinités (à rapprocher du très bon Vegas Mytho de Christophe Lambert), auraient permis de créer une saga grandiose. L'auteur en tire pour l'heure une histoire honnête, agréable à lire et sans prétention. En somme de quoi avoir envie de découvrir le prochain tome, bien que sans enthousiasme excessif…
Raphaël Gaudin
Bifrost
Il y a plus d'un millénaire, Loki sépara la Terre de Westil, le monde des Dieux. Depuis les Dieux vivent dans ces deux mondes sans plus de contact y perdant une partie de leur puissance.
Danny est l'un des enfants Dieux nés sur Terre, sauf qu'il ne peut pas pratiquer la magie des siens. A 14 ans, son incapacité de projeter son hors-moi en fait un paria parmi les siens. Mais cette incapacité cache un pouvoir bien plus précieux : celui de créer des portes. Seulement voilà les créateurs de portes sont considérés comme des êtres fourbes et désagréables et tués dès le moindre soupçon de pouvoir afin d'éviter de pouvoir créer à nouveau une porte vers Westil.
Alors Danny fuit pour sauver sa vie. Lui qui rêvait de découvrir le dehors, il va devoir y survivre.
Sur Westil aussi de tels mages sont chassés par un mangeur de portes. Hors voilà qu'apparait un jeune homme sans souvenirs doué lui aussi de cette capacité.
Les temps du changement semblent être arrivés.
Mon avis
Si l'histoire est agréable à lire, on pressent derrière ce cycle une puissance cachée qui ne se dévoilera comme toujours avec Orson Scott Card qu'au fil des tomes. A chaque nouveau cycle de cet auteur, on se demande au premier volume où il veut nous emmener, quel message il va vouloir nous délivrer. Et s'il va réussir le tour de force de nous accrocher. A dire vrai il ne m'a jamais déçue et je pense que ce cycle promet de grandes heures de lecture.
Une valeur sure et un plaisir renouvelé dans un cycle qui se passe pour cette fois dans notre monde. Vous auriez tort de bouder votre plaisir.
Miss Mopi
Bienvenue dans le monde de Miss Mopi
Un adolescent doté de pouvoirs hors norme, des dieux oubliés, la lutte du bien et du mal : on reconnaît là plusieurs des thèmes d'Orson Scott Card, l'un des maîtres de la fantasy intelligente. Mormon, Card a souvent été accusé, pas toujours à tort, de prêchi-prêcha et de moralisme. Il n'en est rien dans La Porte perdue qui voit un enfant, Danny North, héritier de dieux bloqués sur un autre monde, fuir la famille qui veut le tuer et expérimenter ses immenses pouvoirs sur la route de l'exil. Très vite, La Porte perdue tourne au roman initiatique. Dans sa fuite, Danny North découvre le mal et l'obligation d'en user parfois, apprend à vivre avec les autres et se confronte à la maîtrise de ses pouvoirs. On attend avec impatience la suite de cette trilogie annoncée.
Un voyage initiatique à l'entrée dans l'adolescence
Comme avec Ender Wiggin, Orson Scott Card a choisi de nous faire suivre un jeune garçon, aux talents d'exception mais en bute à l'hostilité du monde extérieur. Thème récurrent des romans pour adolescent, cette révélation au monde de ses richesses intérieures illustre bien évidemment la découverte du soi, et le passage vers l'âge adulte. Comme d'habitude chez Orson Scott Card, cette réflexion s'accompagne d'une prise de distance avec cette naïveté du héros (ici, à travers l'intervention d'un second héros en la personne de Boulette) qui n'en limite pas la lecture au seul public adolescent.
Sans égaler le chef-d’œuvre de l'auteur, cette première introduction à la magie westilienne se lit d'un trait, et emporte avec ses dernière pages l'envie d'en découvrir un peu plus. Si Danny a su triompher des embûches de sa quête, les questions qui taraudent le lecteur sont elles toujours aussi nombreuses, et des ennemis que l'on devine bien plus proches qu'ils n'y paraît semblent presser le groupe de mages de toutes part. L'on ne peut dès lors qu'espérer que les prochaines aventures de Danny nous permettront d'en apprendre un peu sur Westil que les corridors de Glacevège que Boulette a bien voulu nous montrer.
Culturellement geek
Orson Scott Card, que l'on connaît déjà, entre autres, pour ses "Chroniques d'Alvin le Faiseur" et les aventures d'Ender, entame un nouveau cycle, "Les mages de Westil", dont La Porte perdue (L'Atalante) est le premier volume.
Nous sommes à nouveau plongés dans l'univers d'une famille dysfonctionnelle, celle des North, des "white trash" typiques d'un patelin du fin fonds de la Virginie profonde, sauf que les North sont les descendants des anciens dieux nordiques, en pleine dégénérescence et réfugiés en Amérique pour sauver leur peau. En effet, tous les dieux sont déchus et survivent à grand peine car, originaires d'une planète nommée Westil, leurs pouvoirs décroissent et ne peuvent être régénérés par le passage des portes dimensionnelles avec leur monde, le dernier des Loki les ayant toutes fermées quinze cents ans auparavant. D'où la haine tenace qui poursuit les North, tenus pour responsables, et pour les portemages, seuls à pouvoir ouvrir des portes, car chaque membre d'une famille a un don (ou une affinité) pour un type de magie ou même n'en a aucun - il est alors un drekka, le dernier des derniers. C'est malheureusement le cas de Danny North, jeune garçon de treize ans à la langue bien pendue, ce qui l'a transformé en souffre-douleur de tous ses cousins, d'autant plus qu'il est le fils unique des deux mages les plus puissants de sa famille. Quand, finalement, et c'est le début du roman, Danny n'en peut plus, il s'enfuit et va ainsi découvrir qu'il est détenteur du don le plus rare: il peut ouvrir des portes. Nous allons le suivre dans ses aventures picaresques, réinventant les techniques pour utiliser son don, rencontrant des personnages hauts en couleurs appartenant à l'"underground" westilien - les orphelins, ces mages qui ne supportaient plus de vivre dans des familles et se sont fondus dans la masse humaine -, faisant l'apprentissage de la vie en société et de la cohabitation avec les somnifrères (les humains normaux). Il va apprendre à se maîtriser et à essayer de vivre comme un adolescent moyen (aller au lycée, conduire une voiture, avoir une petite copine).
En parallèle, Card nous fait découvrir la manière dont Westil a évolué - ou stagné -, pendant ces années de coupure avec la Terre : dans le royaume de Glacegèvre, "l'homme dans l'arbre" (prisonnier à l'intérieur d'un tronc depuis des temps immémoriaux) est sorti de sa prison et se rend au château où il est un miséreux parmi les domestiques. Mais Boulette, car tel est son surnom, est un portemage puissant qui semble avoir oublié tout de sa vie antérieure tout en poursuivant ses propres desseins tortueux.
Les vies de Danny et de Boulette sont naturellement appelées à interférer l'une avec l'autre, après de nombreuses péripéties, souvent décrites avec humour: les scènes de "mooning" de Danny (une tradition bien américaine de montrer ses fesses en public) sont hilarantes, surtout de la manière dont Danny le fait (en prise directe avec la peur panique d'une accusation de pédophilie, si courante aujourd'hui).
Tout le talent de l'auteur réside dans son utilisation de la psychologie d'ex-dieux en pleine déliquescence face à un monde qui change très vite et auquel ils ne sont plus adaptés (sauf les Grecs, richissimes car ils se sont reconvertis dans l'armement naval, avoir Poséïdon à ses côtés cela aide...), de celle d'un adolescent surdoué et difficile à contrôler mais quelque part très humain. Et nous nous prenons au jeu de la réponse à la grande question: pourquoi Loki a-t-il scellé toutes les portes entre les deux mondes ? Est-ce par compassion pour les humains ou s'agit-il du dernier de ses mauvais tours à l'égard des Westiliens dans un dessein que lui seul connaît ?
Cette nouvelle saga est passionnante à lire et se termine sur un "cliff hanger" qui nous donne envie de découvrir la suite très vite.
J'ajouterai que le traducteur, Jean-Daniel Brèque, a fait un très beau travail, rendant tout l'humour de l'auteur et traduisant par des néologismes fort bien trouvés la palette des pouvoirs magiques des descendants des Westiliens coincés chez nous.
Jean-Luc Rivera
Le premier tome de "La Guerre sans fin", Paria, sort dans moins de deux semaines
! À cette occasion, nous vous proposons de découvrir "Lazare en guerre"
à prix réduit en numérique.
Sur Kobo, sur Emaginaire, sur Amazon et partout ailleurs.
« Au départ une petite librairie de 15m2 spécialisée dans le cinéma au cœur de la ville de Nantes. Puis la librairie s’agrandit et devient édition, et du cinéma passe à l’imaginaire et à la science-fiction. C’est d’abord un catalogue étranger, dont une prise de guerre qui lui permet de se consolider : Terry Pratchett et sa saga du Disque-monde. Puis peu à peu des auteurs français, et non des moindres : Pierre Bordage avec sa trilogie des Guerriers du silence, Roland Wagner, Serge Lehman et maintenant Catherine Dufour. En 30 ans, L’Atalante est devenue l’un des piliers de la SF en France. C’est son anniversaire que nous fêtons aujourd’hui. »
Nicolas Martin, La Méthode scientifique sur France Culture – 26/01/2019
Et la session de l’an passé ?